Produit
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Le 20/11/2024
Retour sur la Conf’ School of Product 2024 : l’utilité au cœur du produit
L’édition 2024 de la conférence School of Product a mis en lumière un thème fondamental : l’utilité. À travers des interventions inspirantes, cette journée a exploré ce que signifie créer des produits utiles, les défis liés à leur conception et leur impact sur nos vies. Voici les moments qui m’ont le plus marquée.
Qu’est-ce qu’un produit utile ?
Lou Grasser, directrice des opérations numériques chez Le Monde, a ouvert la réflexion en distinguant deux types de produits : ceux qui sont pratiques et ceux qui sont utiles.
- Un produit pratique, comme WhatsApp ou Google Maps, facilite nos actions au quotidien, mais il ne nous transforme pas.
- À l’inverse, un produit utile nous enrichit, nous fait évoluer ; après son utilisation, on en ressort grandi. C’est par exemple le cas des produits issus de l’industrie culturelle.
Dans un monde où l’innovation semble parfois effrénée, cette distinction m’a particulièrement marquée. Pourquoi ne pas recentrer nos efforts sur des produits qui ont un impact durable et qui contribuent à nous rendre meilleurs ?
Dans une perspective de sobriété numérique, l’utilité pourrait devenir la boussole de demain : quels produits méritent vraiment de durer ?
Détricoter les idées reçues sur le rôle du Product Manager
Antso Rakoto, VP Product chez France Télévisions, a déconstruit deux grandes idées reçues sur le métier de Product Manager (PM).
Idée reçue n°1 : "Le PM décide de tout."
En réalité, les décisions sont souvent prises collectivement. Le rôle du PM est surtout d’influencer ces décisions, en veillant à ce qu’elles convergent vers une vision commune. Antso illustre cette idée avec une métaphore tirée du film Inception : le PM "plante des idées" pour guider les co-décideurs dans la bonne direction.
Idée reçue n°2 : "Le projet, ennemi juré du produit."
Plutôt que d’opposer produit et projet, Antso montre qu’ils peuvent se compléter harmonieusement. En enrichissant le traditionnel triptyque "coût, qualité, délai" par trois notions clés — objectifs, valeur utilisateur, et itérations —, un projet peut devenir un véritable levier au service du produit. Une approche pragmatique et inspirante qui invite à repenser cette opposition classique !
L’utilité face à l’innovation : les pièges de l’intelligence artificielle
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, il peut être tentant d’en intégrer partout. Mais, comme l’a rappelé Anne-Claire Baschet de Mirakl, l’IA ne doit pas être une finalité en soi. Elle partage trois conseils essentiels pour éviter de compromettre son produit en misant à tort sur l’IA :
- L’IA ne se résume pas à un chatbot
Il est inutile d’ajouter des encarts conversationnels partout. L’IA doit répondre à un besoin précis, pas être utilisée comme un gadget universel. - L’IA n’est pas déterministe
Les produits conçus avec de l’IA doivent être pensés pour gérer l’imperfection et l’incertitude inhérentes à cette technologie. - L’IA n’apporte pas forcément plus de valeur
Avant de penser technologie, il faut d’abord résoudre le bon problème. Une IA mal adaptée risque de créer davantage de complexité que de bénéfices.
Bien que l’IA soit de plus en plus omniprésente, elle doit être utilisée de manière responsable. Une piste concrète : privilégier des modèles plus petits, moins gourmands en ressources, et donc moins polluants, tout en répondant efficacement aux besoins réels.
Repenser notre rapport aux objets techniques
Cléo Collomb a proposé une réflexion marquante en s’appuyant sur le livre Ceux qui partent d’Omelas de l’autrice Ursula K. Le Guin. Cette allégorie met en lumière notre complaisance face à l’opacité entourant la matérialité de nos objets techniques : l’exploitation des mines de cobalt en RDC pour nos batteries, les conditions précaires des recycleurs de matériel informatique, etc. Nous fermons souvent les yeux sur ce qui dérange notre confort.
Cléo invite à adopter une approche radicalement différente : considérer nos objets techniques comme des “enfants” dont il faut prendre soin. Cela implique :
- Combattre l’obsolescence programmée,
- Privilégier les produits vraiment utiles,
- Posséder moins, mais mieux.
Cette vision nous pousse à chérir davantage nos possessions et à adopter une consommation plus éthique et durable.
L’utilité, une démarche collective
Samah Karaki, neuroscientifique et essayiste, a clôturé la journée avec une conférence captivante sur les biais cognitifs qui influencent notre perception. Elle a souligné que l’empathie, bien que précieuse, ne suffit pas pour concevoir des produits. Nos perceptions sont façonnées par notre vécu personnel, unique à chacun. Pour créer des produits réellement utiles, il est essentiel de co-créer avec des personnes aux perspectives variées, enrichissant ainsi le processus de conception.
Retours d’expérience inspirants
La journée a également été ponctuée de retours d’expérience enrichissants :
- Chloé Lemarié, Product Manager chez Evaneos, a partagé ses apprentissages après trois ans d’utilisation de la méthode Shape Up. J’ai trouvé fascinant de voir comment son équipe a adapté cette méthode pour mieux répondre à leurs contraintes tout en en reconnaissant les limites.
- Thomas Thieffry, Chief Product Officer à la Direction du Digital de Bpifrance, a démontré que le Product Growth n’est pas réservé aux startups. Ses maîtres-mots : vitesse et optimisme. En mettant en place des boucles d’apprentissage et de croissance, Bpifrance a rendu son produit "Prêt Flash" beaucoup plus visible. Une belle illustration de la manière dont l’innovation produit peut transformer même les secteurs les plus traditionnels.
Mon regard sur les conférences
Cette journée m’a laissé une impression profonde : dans un monde en quête de sens, l’utilité est une boussole essentielle pour guider nos choix en tant que product people. Chaque intervention m’a incitée à réfléchir non seulement à ce que je crée, mais aussi à pourquoi je le fais.
En repartant, une question m’a accompagnée : comment puis-je, à mon échelle, contribuer à des produits qui enrichissent réellement leurs utilisateurs tout en ayant un impact positif sur l’environnement ?
Une réflexion que je continuerai sans doute à explorer.
Malory REINHARDT, Head of Product